Humeurs

Mon corps, si on faisait la paix ?

J’ai écrit des centaines de fois cet article dans ma tête, et me voilà devant mon clavier, à ne plus savoir par où le débuter. Je n’ai jamais eu un rapport très serein avec mon corps, mon poids et mon alimentation. Cela a commencé tôt… j’avais 7-8 ans. Et même si cela va nettement mieux, on ne peut pas franchement dire que je suis totalement en paix avec mon corps.

Mais, ce confinement à l’air de m’être bénéfique sur de nombreux points. J’ai la sensation qu’il déverrouille des barrières. En faisant du tri la semaine dernière, je repensais à moi, y a 10 ou 12 ans… plus jeune, avec 15kg de moins. Est-ce que j’étais plus heureuse quand j’étais presque maigre ? Non. Franchement pas. J’étais dépressive. Si je n’ai jamais basculé, médicalement, dans l’anorexie… toujours borderline, mes comportements, eux,  ne laissaient aucun doute sur le fait que je n’avais pas un rapport sain à l’alimentation. Cela s’est transformé en orthorexie par la suite… si ce n’est que je n’ai jamais été sportive, donc mes troubles se concentraient autour de ce que je mangeais. Et ce n’est pas pour rien que je n’ai plus de balance chez moi depuis 10 ans. Je me souviens encore beaucoup trop précisément de ces 10 ou 15 pesées par jour… avant d’avaler trois fois rien, après avoir ingurgité ces trois fois rien. Et puis, je me rappelle aussi ces tours en vélo ou à pied que je pouvais faire 3 ou 4 fois par jour pour « éliminer »… Eliminer quoi ? Vu le peu que je mangeais… Etant donné que tout était toujours ultra équilibré… Mais bon, c’était dans ma tête. Et croyez-moi, j’étais loin d’être épanouie, alors même que je rentrais dans un 36… dans lequel je flottais.

Aujourd’hui, ma taille s’approche davantage du 40. Aller j’arrive encore à entrer mon derrière dans un 38… mais pas quand ça taille minuscule 😉 J’ai eu un peu de mal à l’accepter, pour être honnête. Et l’été dernier, j’ai ressenti le besoin de perdre un peu de poids. J’ai perdu 4kg… J’espérais en perdre davantage… mais je sais, aujourd’hui, qu’il n’aurait pas fallu. Quand on a souffert de troubles du comportement alimentaire, les vieux réflexes ne sont jamais loin et l’effet grisant d’avoir toute maitrise sur son corps (au risque de le malmener et de se mettre en danger) revient très, très vite. Alors tant mieux si mon corps s’est contenté de perdre ces 4kg. Cela m’a permis de me sentir mieux sans que l’obsession revienne au galop. Peut-être que je les ai repris ces kilos d’ailleurs. Je n’en sais absolument rien, car je ne suis pas montée sur une balance depuis le mois de septembre ! Je m’en porte très bien.

Depuis le début du confinement, les injonctions pleuvent… pour « ne pas se laisser aller », « manger healthy et léger », « se bouger pour ne pas grossir »… évidemment, c’est très orienté vers les femmes. Mais au final, est-ce si grave si on se déconfine avec 2-3 kg en plus ? Est-ce que ça nous rendra moins belle en bikini ? Non. On est belles, peu importe notre silhouette ! Et c’est si triste, qu’on n’arrive pas à l’accepter, nous les femmes… trop conditionnées depuis toujours par ces diktats qui nous écrasent… et je m’inclus dans le lot.

Mais étrangement, depuis que j’ai pris un peu de gras, que mon ventre est moins plat, que l’écart entre mes cuisses est devenu quasi inexistant, je suis moins exigeante avec mon corps. Je le laisse vivre. Non, je ME laisse vivre. Evidemment, je ne mange pas n’importe quoi, en quantités déraisonnables… mais je ne fais plus attention, dans le sens où je ne fais plus une fixette sur ce que j’ingurgite. Je me fais plaisir, j’essaie d’écouter mon corps. Je grignote si j’en ai envie, je me ressers si ça me chante, je ne mange que du pain et du fromage en guise de repas si ça me dit. Petit à petit, je me détache, je me prends moins la tête avec ça.

Et il y a une raison qui m’y pousse : j’ai une fille. Et vu l’héritage familial côté alimentaire… ma mère adolescente gravement anorexique, ma grand-mère qui a toujours eu un rapport compliqué à l’alimentation… Moi donc. J’aimerais que ma fille puisse y échapper. Je ne sais pas si cela fonctionnera, mais je ne veux pas qu’elle ait l’image d’une mère obsédée par sa silhouette, par ce qu’elle mange. Je ne veux pas qu’elle me voit me scruter dans le miroir, qu’elle m’entende me plaindre que j’ai grossi. Ce n’est pas facile, mais je m’y efforce ! Elle aura peut-être des rondeurs comme moi enfant. Ca ne doit pas être un souci. Et si elle les gardait en grandissant ? Ca ne devra pas en être un non plus. Parce que je préfère qu’elle en ait en plus, plutôt qu’avoir peur de la perdre parce qu’elle n’en a pas assez. Si je ne suis jamais tombée trop bas dans la perte de poids, quand j’étais plus jeune, c’est parce que j’ai vu une photo de ma mère, anorexique. A 16 ans, ma mère pesait 27kg. Elle est passée à un cheveux de finir sous terre. Ce qui m’a retenue d’aller trop loin, c’est que je n’aurais jamais supporté la peine que cela aurait été pour mes parents, pour mes proches, de craindre pour moi, pour ma vie, pour ma santé. Bien sûr, je suis consciente qu’ils ont du s’inquiéter quand même, mais cette pensée m’a toujours retenue de me faire trop de mal. Maintenant que je suis maman, cela prend encore davantage de consistance.

Bon, je parle de ma fille, mais ça pourrait tout autant être mon fils… surtout qu’avec l’autisme, l’anorexie est assez courante. Mais pas à cause de l’apparence. Bien qu’il n’est pas à l’abri non plus. Mais c’est vrai que c’est davantage pour ma fille que ça me questionne.

Il m’aura peut-être fallu ces 15kg (peut-être même 20 en fait) en plus pour apprendre à vivre avec mon corps. Et le remercier de me tenir debout, de me permettre de m’occuper de mes enfants, de vivre. S’il est moins plat, moins tonique, moins mince… est-ce si grave ? J’ai un mari qui m’aime ainsi, et qui me préfère comme ça, alors qu’il m’a connue avec 10 bons kilos de moins. Mais il s’en fiche. Et tant mieux, parce que c’est important et que sans ça, il me serait peut-être difficile de faire le chemin que je fais actuellement.

Ce n’est pas encore acquis, il reste de la route… mais je suis en chemin pour faire la paix avec mon corps !

35 ans, mariée et maman de 2 enfants. Multi-passionnée et résolument optimiste ! Vous trouverez par ici des partages et tranches de vie, sans chichi, en toute simplicité ! Pour en savoir un peu plus sur moi, n'hésitez pas à aller lire ma page "à propos" ! Au plaisir de vous lire !

2 commentaires

  • Virginie

    Écrire tout ça, doit vous libérer d’un poids.
    Bravo et je ne pensais pas que ça pouvait avoir comme une forme d’héridité en plus.
    Une amie a eu sa fille aneurexique et ça reste dur encore aujourd’hui.
    En être conscient c’est déja un pas enorme il me semble.

    • Maud

      Il y a des études qui tendraient à montrer qu’il y aurait des prédispositions génétiques à la dépression (et les troubles alimentaires sont, finalement aussi, une forme de dépression). Mais je crois que ce qui joue le plus, c’est l’exemple parental. Ma mère s’est sortie de son anorexie mais je crois qu’on garde des séquelles à vie, et elle a toujours gardé un petit appétit, et surtout l’IMAGE d’un petit appétit… elle se laisse très rarement aller. Et je crois qu’on transmet beaucoup de nos comportements, inconsciemment. Par mimétisme, j’ai adopté peu à peu le tout petit appétit de ma mère, refusant de me nourrir plus qu’elle… Enfin bref. Il y a beaucoup de choses qui se jouent, souvent sans qu’on s’en rende compte. Mais par exemple, un enfant qui va nous voir nous scruter négativement dans le miroir, risque de finir par faire pareil… Donc j’essaie vraiment de prendre conscience de mes comportements afin d’essayer de ne pas trop les transmettre à mes enfants 🙂
      Mais oui, le début c’est la prise de conscience et parvenir à mettre des mots sur ces maux-là, ça fait un bien fou ! 🙂

A vos claviers !

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