L'allaitement dans l'Histoire
Famille

L’allaitement dans l’Histoire

Lorsqu’on se penche sur l’allaitement dans l’Histoire, on prend conscience que de nombreuses croyances encore actuelles viennent de très loin. La médecine et les mentalités ont réellement commencé à évoluer au vingtième siècle en France, c’est-à-dire il y a très peu de temps. On pense également, souvent à tort, qu’avant il était plus simple d’allaiter, que ça n’était pas un sujet si polémique et que l’allaitement était vécu de façon bien plus naturelle. Ca n’était pas forcément le cas, en Occident tout du moins.

A part dans la Bible, dans de nombreuses mythologies, la vie naît dans le lait. Dans la mythologie grecque, par exemple, le lait est très présent. La plupart des déesses sont représentées allaitantes et le lait des déesses serait à l’origine du ciel nocturne. Le lait maternel est signe de vie et de santé, mais pas de puissance. Les grands hommes n’ont pas reçu le lait de leur mère. Zeus a été nourri par le lait de la chèvre Amalthée, par exemple. On retrouve également cela dans la mythologie indienne, où plusieurs dieux n’ont pas été allaités par leurs mères.

Dans l’Antiquité, les mères des milieux aisés évitaient l’allaitement et les soins aux tout-petits, c’était un travail réservé aux esclaves et aux servantes. A Rome, l’homme choisissait la nourrice qui s’occuperait du bébé. Ainsi sa femme pouvait procréer à nouveau et remplir ses devoirs de maîtresse de maison. En Grèce, les mères allaitaient mais les autres soins étaient laissés aux servantes. On considérait que l’enfant devenait plus fort s’il était éloigné de sa mère.

Ce fut Soranos, médecin grec du 1er siècle de notre ère, qui s’intéressa le premier véritablement à l’allaitement et proposa des écrits à ce sujet, notamment son « Traité des maladies des femmes ». Dans le deuxième tome, il parle de la naissance et des soins aux nouveaux-nés. Il met en évidence l’importance du choix de la nourrice, afin que la mère puisse récupérer rapidement, l’allaitement étant considéré comme une entrave à la bonne récupération physique de la mère. Soranos décrit et encadre de façon très détaillée les conditions de vie de la nourrice : son alimentation, la façon dont elle doit se vêtir et se laver, la manière dont elle doit se promener et se détendre etc. Il donne également des conseils sur sa conduite à tenir si son lait se tarit ou devient mauvais, et la colère lui est absolument interdite (elle ferait tourner le lait).

Soranos émet l’idée que le lait de la mère est certainement le meilleur aliment pour l’enfant, mais que l’accouchement récent pourrait le rendre néfaste, d’où le choix d’une nourrice pour éviter tout risque. Il fait le parallèle avec les plantes qui seraient plus vigoureuses après avoir été transplantées dans un deuxième terreau.

Le lait tiré s’aigrissant rapidement, notamment en raison des conditions de conservation de l’époque, le lait des femmes est victime du même imaginaire. Même dans le corps des mères et nourrices, il peut tourner, cailler, s’échauffer, passer en eau ou en crème, selon les changements d’humeur ou de nourriture. Si par malheur il contient des traces de sang, il devient alors impur. Il est pourtant très fréquent et sans gravité d’avoir des traces de sang, mais le sang des femmes était considéré comme impur. C’est pour éviter au lait de devenir « mauvais » que Soranos a édicté un code de conduite aussi strict pour les nourrices.

Parmi ses autres conseils, on retrouve le fait de ne pas donner le colostrum au bébé, qui doit jeûner deux jours. Il a éventuellement droit à un peu d’eau miellée. Ensuite, le bébé sera nourrit à la demande par sa nourrice. Cependant, cette dernière a l’interdiction de le prendre avec elle dans son lit. Si l’enfant tombait malade, cela serait évidemment de sa faute, car elle aurait fait des écarts au régime. Si l’enfant ne guérissait pas, la nourrice serait alors congédiée au profit d’une autre.

Les préceptes de Soranos ont eu la vie longue. Le jeûne de vingt-quatre à quarante-huit heures était encore très courant jusqu’en 1970, dans de nombreuses maternités. Les doutes sur la qualité et la quantité du lait de la mère sont encore d’actualité aujourd’hui.

Au Moyen-Âge, le système étagé des nourrices est extrêmement surprenant. Les femmes des villes ne peuvent pas garder leurs enfants, ce sont donc les femmes des campagnes qui ont la charge d’allaiter et d’élever ces enfants. Ce système perdurera longtemps. Par exemple, à Lyon, en 1900, encore plus de la moitié des bébés sont encore envoyés en nourrice pour deux à trois ans. Les grands aristocrates ayant une vie très éloignée des campagnes, ils trouvent leurs nourrices dans les familles nobles de leur entourage. Les femmes nobles choisies, choisissent à leur tour une nourrice moins titrée pour garder leur bébé. Si cette nourrice ne peut pas assumer son propre enfant ainsi que celui confié, elle enverra son bébé dans une famille plus pauvre, quitte à l’envoyer loin. Et le schéma continue. C’est un véritable commerce étagé du lait. Une femme gagne peu sa vie en « vendant » son lait, tout en payant une autre pour nourrir son petit, ou en l’abandonnant faute de moyens. La mortalité des bébés est énorme à cette époque.

Malgré cette considération compliquée concernant le fait d’allaiter, tout au long des siècles, le lait maternel était entouré d’un certaine religiosité et l’image de la mère-madone était largement célébrée. La pauvreté, la mortalité précoce, la peur de la mort ont largement contribué à entretenir cette image. Tant qu’il n’y avait pas d’alternative sûre au lait maternel, il restait le seul aliment indispensable à la survie des tout-petits. C’était donc une richesse à préserver, malgré les nombreuses croyances erronées.

Je vous parlerai prochainement de l’allaitement au XXe siècle, qui marque le début d’une revalorisation de l’allaitement au sein par la mère. J’ai trouvé cela très enrichissant de me plonger dans l’Histoire. J’ai parcouru de nombreux sites, je suis allée trouver certaines informations dans des livres… J’ai lu des choses révoltantes, mais qui m’ont aidée à comprendre d’où viennent une grande partie des préjugés actuels sur l’allaitement.

35 ans, mariée et maman de 2 enfants. Multi-passionnée et résolument optimiste ! Vous trouverez par ici des partages et tranches de vie, sans chichi, en toute simplicité ! Pour en savoir un peu plus sur moi, n'hésitez pas à aller lire ma page "à propos" ! Au plaisir de vous lire !

3 commentaires

  • Notsil

    Très intéressant, merci de nous partager tes recherches ! On devrait donner un livret sur l’histoire et l’évolution de l’allaitement dans les maternités, ainsi qu’une page vrai / faux sur tous les préjugés (et tous les pseudo aliments à éviter pour ne pas faire tourner le lait – c’est ce qui m’a marquée ^^).

  • petitdiables

    oh oui, il y en aurait à dire sur les…conneries? héritées de gens sans connaissances scientifiques d’il y a genre 2000 ans…

A vos claviers !

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